Corée 2016 10.08.2016
Les voyages, c’est bien connu, forment la jeunesse. Un peu tard en ce qui me concerne, mais tout aussi utilement, ils forgent le corps tout autant que l’esprit. Ainsi, pendant 3 semaines, le rythme de la vie coréenne a été un quotidien bien plaisant, enrichissant et stimulant même s’il ne fut pas de tout repos.
Passons les inévitables visites de temples et de palais hautes en couleurs ou encore les excursions culinaires sur les marchés et dans les myriades de restaurants... Arpenter les rues de Séoul, surtout dans les quartiers où se nichent les hanoks, les maisons traditionnelles coréennes, réserve toujours le même plaisir, fait de son lot de surprises, de rencontres et de découvertes. Laisser le temps passer dans une maison de thé, contempler quelques menus détails architecturaux sur les palais et les temples ou se perdre dans les ruelles aux commerces les plus improbables est un ravissement. Et la visite de Busan, de son bord de mer et de ses restaurants de poissons fut tout aussi excellente. Mais au-delà des lieux et des atmosphères, ce qu’il faut retenir, c’est cette qualité d’accueil des Coréens, leur générosité, leur disponibilité.
Évidemment, c’était incontournable, le séjour coréen comporta comme il se doit quelques étapes martiales !
Me Lee Eun Jong : un roc !
J’ai eu, avant toute chose, l’immense plaisir de retrouver à 2 reprises mon professeur, Me Lee Eun Jong, un moment privilégié après pratiquement 7 années sans avoir pu nous revoir. Comme beaucoup le savent, Me Lee Eun Jong a été victime en 2007 d’un AVC qui a failli lui coûter la vie. Partiellement paralysé sur son côté gauche, il n’en demeure pas moins un expert de grand talent qui avait continué à donner de nombreux stages tant qu’il était en France.
Toujours aussi fort, toujours aussi déterminé, j’ai retrouvé un homme enthousiaste, plein de projets et toujours aussi intarissable tant sa culture des arts martiaux est vaste et clairvoyante. A l’occasion de nos 2 rencontres autour de bons repas, des échanges nourris et passionnants sur le Hapkimudo et sur le développement et l'avenir des arts martiaux.
Et toujours, dans un coin de la tête, l’envie de le faire revenir prochainement en France... Bref, des retrouvailles émouvantes et un moment très fort de ce séjour en Corée.
Le Kyuksuldo de Me Nam Ki Seok
Grâce à l’aide précieuse de Me Lee Kang Jong, j’ai eu le privilège de rencontrer Me Nam Ki Seok, un expert d’une gentillesse incroyable mais a l’efficacité redoutable qui a fondé, il y a une vingtaine d’années, son propre style, le Kyuksuldo. Je reviendrai dans un autre article plus longuement sur cette méthode de combat et sur son fondateur mais disons succinctement qu’on y retrouve une forte influence du Hapkido traditionnel et l’apport moderne du MMA.
Le dojang de Me Nam ne répond pas aux canons d’une salle traditionnelle comme pourrait s’y attendre tout voyageur occidental en quête de « tradition martiale ». Ici les élèves rentrent et sortent à leur guise de la salle, les tenues sont bariolées et disparates, le sabre côtoie les gants de boxe, le mannequin de bois, les haltères et la cage de MMA... Un peu déroutant, certes, pourtant, qu’on ne s’y trompe pas, l’atmosphère y est - naturellement - imprégnée de la culture coréenne, marquée d’un respect sincère entre chacun des membres du dojang, de sorte qu’un profond salut et un mot sympathique ne sont jamais omis entre tous. Les enseignants et les aînés sont écoutés, les plus jeunes sont accompagnés avec bienveillance. Et à chaque moment, du travail et de la concentration.
En ce mois de mai où l’air commençait déjà à être lourd, j’ai pu bien transpirer. Pas assez souvent à mon goût mais voyager en famille, accompagné de 2 très jeunes enfants, suppose de savoir partager son temps si l’on ne veut pas craindre un excès d’égoïsme. Séances collectives tout d’abord avec Me Nam, ses assistants et les élèves, faites de nombreuses percussions du type boxe, répétées à souhait pour qu’elles deviennent le plus fluides possibles. Des ateliers sur les techniques de hoshinsool contres les saisies au dobok, privilégiant, pour ce que j’ai pu étudier, le pragmatisme et l’efficacité. Un accent porté sur les déplacements et la gestion des distances, notamment lors de fort instructives séances de shadow boxing, et toujours cette recherche du relâchement. Evidemment, du renfort musculaire, du cardio et aussi des mises en situation contre plusieurs partenaires pour développer la réactivité, l’adaptabilité et la gestion de son environnement. De bons moments partagés avec les élèves de Me Nam.
Toujours apprendre
Puis j’ai pu bénéficier d’un cours privé avec Me Nam qui m’a exposé les arcanes de sa méthode, ses concepts et avec qui j’ai pu travailler concrètement plusieurs exercices sur l’utilisation de la force et de l’énergie, les déséquilibres, les distances... Bref échauffement ensemble et rapidement, des exercices de mobilité pour le combat au sol, pour lesquels mes premières tentatives ont été plutôt laborieuses. Après m’en avoir fait la démonstration, sous son oeil bienveillant et encourageant, Me Nam m’a ensuite demandé d’exécuter les frappes de pied et de main fondamentales telles qu’elles sont pratiquées dans son école.
Dans la foulée de ces kibon, j’ai mis les gants et il m’a fait travailler sur les pattes d’ours différents enchaînements de frappes, histoire de mettre en pratique ce qui avait été réalisé dans le vide. Très pédagogue il a pris le temps de décortiquer les mouvements, d’expliquer les phases clés. Le tout en coréen, traduit en anglais par M. Song Byung Moon, qui d’ailleurs à un moment ne traduisait plus du tout, affirmant à Me Nam que j’avais compris... Ce qui n’était pas totalement faux dans la mesure où Me Nam mettait tout son coeur dans ses explications, ce qui transcendait le langage, mes très vagues rudiments de coréen faisant le reste.
J’en ressors avec le sentiment d’un long travail qui reste encore à accomplir pour tendre vers la perfection du geste et la meilleure utilisation de l’énergie. Ca n’est pas décourageant, bien au contraire c’est stimulant et c’est assurément le genre de moment, devant un oeil avisé qui ne vous connaît pas, qui permet de faire un petit bilan sur les lacunes de sa propre pratique. Ce qui est d’ailleurs aussi très bon pour préserver l’ego de toute tentative de démesure...
A noter qu’avant et après les entraînements j’ai souvent eu droit à de copieux repas, dont un dans un excellent restaurant spécialisé dans les sushi de thon, tenu par un élèves de Me Nam, et dont le dobok trônait magnifiquement non loin de la cuisine. Cela me rappelait d’ailleurs les séances d’entraînement avec Me Lee Eun Jong lorsqu’il était à Paris et qui insistait à chaque fois pour que nous prenions un bon repas avant la séance, parce qu’il fallait de l’énergie selon lui...
Kal : sabres et couteaux
Déambulant dans les rues du quartier d’Insadong, à Séoul, j’ai aussi eu le plaisir de tomber sur une belle échoppe, la Knife Gallery, spécialisée dans la vente de sabres et autres poignards. Un enchantement d’admirer toutes ces belles lames, coréennes évidemment, mais aussi japonaises, chinoises... Une magnifique collection de tsuba, quelques lances et autres hallebardes, des poignards de tous les pays et de toutes les époques, un arsenal au final très impressionnant.
Très éclairant, un présentoir exposant les différentes étapes de la fabrication d’un sabre, partant de la poudre de métal jusqu’à la production d’une lame tranchante. Et, au coin d’un rayon, je me suis aperçu que le tenancier de la boutique avait aussi écrit un ouvrage sur le maniement du bâton télescopique. Surprenant. Le genre de petits moments qui vous replongent, de manière impromptue et presque à votre insu, dans l’univers passionnant des arts martiaux.
Kamsahamnida
Un immense merci à Me Nam Ki Seok pour son accueil et son enseignement, ainsi qu’à ses élèves et sa famille. Une pensée toute particulière pour M. Song Byung Moon, assistant de Me Nam, qui a eu l’extrême amabilité de venir me chercher chaque fois à la station de métro d’Incheon et de me reconduire jusqu’à mon hôtel au centre de Séoul.
Un merci tout aussi grand également à nos amis Lee Hye Kyung et son mari Lee Jin Hou ainsi que Lee Dong Chul pour leur aide, et le temps qu’ils nous ont consacré.
Enfin je renouvelle mes remerciements à Me Lee Kang Jong pour m’avoir mis en contact avec Me Nam Ki Seok et permis ainsi de tenter de progresser dans la longue et difficile voie des arts martiaux.